Et on continue la première série des portraits. Toujours à l’Ez #86. Je suis parti me balader un peu en back, et là, je suis allé à la rencontre de Lee aka Must Die!, Raphael aka Imotep et Lou aka Svbliminal.
Lee, qui nous vient de Seattle dans l’état de Washington, est tranquillement posé sur le canapé, fatigué mais très content de sa soirée.
La première fois que Lee a entendu de la Bass Music, et plus spécialement du heavy dubstep, c’était aux alentours de 2008. Trois ans plus tard, il découvre ce qui reste aujourd’hui sa track préférée : Reaching out de Nero, et un peu plus tard (en 2013), il inscrira aux côtés de cette dernière, More than you de Koven. La BM lui a toujours fait vivre énormément d’émotions différentes, mais ce qu’il préfère, c’est quand celle-ci le rend productif. Et évidemment, je ne vais pas vous faire un dessin pour vous expliquer l’ampleur que la BM a prise dans sa vie.
Cependant, en dehors des soirées, il n’écoute quasiment pas de dubstep. Il écoute beaucoup de hardcore, hardstyle, trance, techno ou encore de la drum n’ bass.
Il adore aussi le black métal, la pop, la dance pop, l’alternative pop comme Charlie xcx. Il écoute énormément de punk et d’autres styles différents. D’ailleurs la première fois qu’il est venu en France, c’était pour voir Yelle en concert.
À la fin de la discussion, Lee m’a expliqué son regard sur la communauté Bass Music et ce qu’il y aurait à améliorer selon lui. Il pense qu’il y a vraiment beaucoup de talents dans cette communauté, ainsi qu’une possibilité infinie de mener d’excellents projets à bien. Par contre, il y a clairement un gros problème d’argent. Il pense qu’il y a trop peu d’investissement dans le milieu, ce qui peut rendre les acteurs de la scène Bass Music assez ennuyants parfois.
Sur ces belles paroles échangées avec Lee, je retourne me balader et dans une loge voisine, je retrouve Raphael, qui grignote des crackers, une bière de qualité à la main.
Raphael est là parce qu’il est bénévole chez Totaal Rez, et plus particulièrement Ez.
C’est grâce à ces soirées qu’il a fait ses premiers pas dans le monde de la Bass Music, en tant que publique dans un premier temps, pendant très longtemps. Il a connu ces soirées grâce à Facebook à l’époque, “tout jeune boutonneux, probablement vierge“. Après les premières, ils sont revenus à chaque fois. Il écoutait beaucoup de dubstep avec ses potes Elliot et Tristan (“big up à eux“), du Zomboy, Must Die!.
D’ailleurs ça lui fait trop plaisir de voir un artiste qu’il a vu à ses premières Ez revenir aujourd’hui. Surtout qu’à sa dernière date à Paris, ça n’avait pas fait l’unanimité du tout. Et comme Raphaël le pensait, à Lyon, le set de Must Die! a été bien mieux accueilli. “Quelle aventure, quelle ouverture d’esprit ! Les styles qui s’enchainent, le public est réceptif“.
Raphaël a connu la BM à l’époque de la trench (“je ne vais pas m’étaler sur le sujet“), de Getter. “On avait les premières JBL à bas prix, collées à l’oreille, on se faisait écouter nos tunes, ça a commencé comme ça“. Depuis, la Bass Music lui a tellement apporté. À commencer par une bande de copains fidèles. Aussi, des lieux où se la donner bien fort, et quelques pertes de décibels. En tant que Dj, pour Raphaël la Bass Music est un moyen précieux d’expression, une porte de sortie, quelque chose d’extrêmement positif qui lui fait du bien.
Raphaël écoute très peu de Bass Music en dehors des soirées. Il aime aussi beaucoup le rap, il écoute essentiellement les musiques de Titi, son soleil dans l’obscurité. Des musiques très féminines de meufs vraiment sensuelles, qui lâchent des vraies punchs, sur des grooves vraiment tranchants. “Quelle culture !”
“Trench ou Riddim ? Riddim bien sûr“.
Pour parler de la communauté Bass Music, il a tenu à nous parler plus particulièrement de la communauté française. Il pense qu’elle est en plein essor. La soirée de ce soir lui a montré qu’il y a de plus en plus de jeunes personnes qu’on ne connait pas, “big up à eux“. ça lui fait vraiment plaisir, et lui donne encore plus envie de continuer, à organiser, à mixer, etc, et surtout de les rencontrer, parce qu’on ne sait pas d’où ils viennent. (Et c’est ce que l’on va découvrir au fil des séries de portraits, finalement !).
Pour finir notre échange, Raphaël m’a balancé un mot de la fin qui m’a beaucoup émue.
Voici ses mots : “Merci à Asco, le p’tit mec à lunettes que tout le monde croise en permanence. C’est grâce à lui que tout le monde est là ! À la base, c’est un mec très simple, tranquille, mauvais en math dès son plus jeune âge. Il était seul, isolé, et un jour, il a rencontré la musique, qui lui a fait changer sa vie. Il a dit “c’est ça que je veux faire. Un jour les soirées, je veux les organiser, je veux que tout le monde soit là.” Il a évolué, il a rencontré des ancêtres, Seb Kpush, Barbu, etc. Ils ont lancé les soirées et aujourd’hui on est là, merci à eux.“
Dans la même pièce, il y a Lou, qui refile les crackers à Raphael avant de s’installer à côté de moi.
On la retrouve à cette soirée avant tout parce qu’elle est venue casser le dancefloor du Transbordeur sous le nom de Svbliminal.
De base, elle se définissait comme une geek qui ne sortait jamais. Puis quand elle a déménagé sur Lyon, elle a connu les Ez, et elle a fini par toutes les faire.
Le moment où Lou a découvert sa première track Bass Music est très clair dans sa tête, elle rigole en disant qu’elle s’était déjà imaginé la raconter. À l’époque, elle n’écoutait que du punk rock. Elle faisait ses devoirs dans sa chambre, et pas loin, il y avait sa sœur qui écoutait de la musique. Et là, elle entend Rock n Roll de Skrillex. En sursautant, sans rien comprendre (“Mais c’est quoi ça ?!“) elle a tout lâché et a couru vers sa sœur pour avoir le nom de la track. L’été qui a suivi ce moment, elle a découvert énormément d’autres sons dubstep, et petit à petit, elle s’est fait des potes qui aimaient ça.
Maintenant ses styles de sons préférés sont la riddim et la tearout.
Pour Lou, la Bass Music c’est sa raison de vivre, surtout la dubstep. Et je sens l’émotion dans sa voix et sur son visage quand elle me raconte : “La dubstep c’est la catarsis, c’est la violence. Rien que d’en parler ça me fout les larmes aux yeux.” Elle trouve ça juste trop beau. D’ailleurs quand elle écoute sa track préférée, Ruckus de Marauda et Trampa, c’est une track qui la fait littéralement fondre en larme.
Elle m’explique que ça se traduit également dans son corps, ça lui colle des frissons partout, elle ressent une vague d’amour, particulièrement avec les gens avec qui elle est très liée. Quand ils écoutent une track qu’ils aiment particulièrement et se regardent, elle ressent l’amour inconditionnel.
Lou me raconte que pendant longtemps, elle n’a écouté que de la dubstep, elle était très fermée aux autres styles. Et puis petit à petit, elle a appris à s’ouvrir, notamment sur des styles qu’elle trouvait hyper cringe (embarrassant, gênant), comme la crossbreed par exemple (qui maintenant lui met grave le sourire), et particulièrement la bass house. Elle adore aussi le rap français, les musiques de films, la musique ambiant, et rajoute qu’elle adore vraiment Labrinth, dont on retrouve pas mal de ses sons dans la BO de la série Euphoria.
Concernant la communauté BM et ce qu’il y aurait à améliorer, Lou a souhaité me parler de la discrimination positive, qui peut parfois la handicaper, “mentalement, j’entends”.
Elle entend quelques fois qu’elle est bookée en partie parce qu’elle est une meuf. Elle doit supporter pas mal de remarques qui sont très douloureuses, parce que derrière son attrait pour le troll et le fait de se charrier, il y a quand même des sujets très touchy. Et le fait qu’on puisse la charrier là-dessus, ça peut être assez douloureux. Et d’un côté, elle est d’accord, elle se dit qu’elle est peut-être moins légitime que d’autres, déjà parce qu’elle ne produit pas de track, et comme elle est une meuf elle suppose avoir peut-être plus d’attention. Même si certes, personnellement ça l’embête un peu, mais en même temps, elle en profite donc c’est cool. Mais quand on le lui fait remarquer, ça l’atteint souvent, parce qu’elle sait son potentiel à envoyer du sale une fois derrière les decks.
Lou, elle est là pour faire danser les gens. Et quand ils la remercient pour son set, au final c’est tout ce qui lui importe.
Pendant qu’elle m’expliquait tout ça, je me demandais “mais du coup est-ce qu’on doit encore plus bosser pour sentir que l’on est légitime, parce qu’on est une meuf, ou au contraire est-ce que c’est plus facile pour cette même raison ?”
Pour Lou, ce sont les deux finalement. Ou plutôt, elle n’a pas l’impression de vraiment devoir travailler plus, mais plutôt de devoir toujours se justifier, aussi en lien avec le fait qu’elle ne produise pas et que de ce fait elle aurait moins de mérite, moins de légitimité. Mais d’un autre côté, elle pense que si elle faisait des tracks énervées, elle pourrait avoir la scène à ses pieds parce qu’il y a extrêmement peu de meufs dans le domaine. Finalement, elle peut comprendre les personnes qui lui font remarquer la discrimination positive, mais elle aimerai juste qu’on arrête de le lui rappeler. “Je fais juste ce que j’aime et je veux juste vivre mon truc. Je n’ai pas l’impression de prendre la place de quelqu’un et si c’est le cas, j’en suis bien désolée.”
“Lou le mot de la fin ? grande inspiration -Fin.”
Ça y est les ami.es, cette première série de portraits pour l’Ez 86 est terminée ! On se retrouve alors toutes les 2 semaines pour aller rencontrer toujours plus d’orga’, de bénévoles, de bassheads aguérri.e.s ou débutant.e.s, etc !
Prenez soin de vous et soignez vos headbangs 🤘