Dans cet épisode, je pars sur un double portrait un peu particulier autour de la rencontre avec Julien, gérant du Studio Saglio, ce lieu mythique du monde de la nuit Strasbourgeoise. C’est parti pour un retour sur l’histoire de Julien, et tout ce qu’il a à nous raconter sur le Studio Saglio.
C’est toujours lors de la Rebirth, soirée co-organisée par Phase, Wonk, Ripple et Azylum qu’a lieu cette rencontre, qui me tenait particulièrement à cœur, avec Julien. Il est rare de pouvoir discuter avec les personnes qui se cachent derrière les murs qui accueillent nos rendez-vous de bagarre.
On se pose donc tranquillement dans un salon, où seul Julien a accès lors de la soirée, depuis lequel il a vu sur l’entrée du Studio. Il prend le temps de couper son talkie-walkie, qui lui sert de lien avec son équipe lors des heures de travail.
Julien commence par me raconter un peu l’histoire du Studio, et comment il s’est retrouvé ici : à la base ce lieu était un garage, et aujourd’hui ça fait 30 ans que le propriétaire du Studio est la même personne, qui fait partie de la famille un peu éloignée de Julien, ce dernier étant ancien directeur d’un restaurant. Pendant le covid, la personne qui gérait le Studio s’est mise à l’arrêt, il y a eu des travaux pendant trois mois. Le propriétaire a alors proposé à Julien de reprendre la gérance, qui, même en n’ayant aucune expérience professionnelle du monde de la nuit, a accepté. L’ouverture du bar extérieur (une grande terrasse aux allures de jardin cosy) pendant l’été suivant le premier confinement, leur a permis de rester ouvert facilement et donc de maintenir le navire a flot.
Au moment où Julien reprend la gérance, il passe à 80% par une entreprise parisienne pour gérer la production et la communication des soirées, et à 20% par les associations locales. Aujourd’hui, ce 80% est dédié aux asso’ locales, et les 20% restants sont gérés par le Studio, ce qui représentent une ou deux dates par mois.
Sur le papier, on compte une dizaine de personnes qui travaillent au Studio, en CDI temps complet ou bien en extras, celles-ci étant toujours les mêmes personnes. Julien me confie que tout le monde est très proche dans l’équipe, qu’il ne rentrera pas dans les détails, mais que pour lui c’est un peu une grande famille. Et en réalité, si l’on compte toutes les personnes œuvrant pour le Studio Saglio, avec les différentes associations et orga’ locales, ce sont plus d’une centaine de personnes qui gravitent autour de ce lieu emblématique de la culture à Strasbourg.
Même si notre ami Julien travaille tous les jours au Studio, le week-end y est toujours particulièrement sportif, parce qu’ils font toujours des évènements le vendredi et le samedi, ce qui engrange énormément de travail en peu de temps.
Pour ce qui est des programmations, le vendredi on y retrouve généralement des soirées technos, et le samedi on y swing sur de la hardcore/raw, ou encore des soirées Queer ou bass.
Concernant ces dernières, elles ont lieu environ tous les deux mois au Studio. On en retrouve aussi parfois au Molodoï.
Pour Julien, en tant que gérant de lieu, ce qui est un peu compliqué avec le public bass, c’est que, comparé à d’autres publics, il boit très peu. Cependant attention, ceci n’est pas une invitation ! Mais pour Julien, évidemment que c’est un facteur qui compte dans les bilans de soirées. Malgré ce facteur non négligeable, c’est important pour lui de laisser de la place dans le planning du Studio pour les associations de bass qui récupèrent, elles, le bénéfice des entrées.
Mais d’ailleurs, c’est qui, Julien ? Quel est son lien avec la Bass Music ? Ça y est on en vient à ma partie préférée, l’authentique rencontre avec la personne qui se cache derrière la gérance de la salle.
Julien, c’est un ancien traveler de 38 ans, qui connait très bien le monde de la nuit. Plus jeune, il a fait une école hôtelière, durant laquelle il sortait déjà beaucoup. A l’époque il faisait du break.
Il a connu la Bass Music, au milieu de pleins d’autres styles de sons, il y a une quinzaine d’année, en voyageant au Canada et en Australie, notamment au travers de la dubstep et la drum mélodique bien à l’ancienne.
Là, son regard se perd au loin, un sourire se dessine sur son visage, et je vois une lueur dans ses yeux. Il me sort son téléphone et cherche un son qu’un de ses meilleurs potes anglais lui a fait découvrir à l’époque. Il s’agit de “I need air” de Magnetic Man, le légendaire trio formé de Benga, Skream et Artwork.
Julien adore beaucoup de styles de sons différents, il a des goûts super éclectiques, mais ses préférés restent la techno, la hard techno, la hardcore, la raw, le rock, rock/pop. Ça peut varier suivant les moods et les saisons, et aussi beaucoup de ce qu’il entend au Studio. ll va parfois écouter un.e artiste qui ne joue pas du tout ce qu’il aime. Puis il va rentrer chez lui et avoir un de ses sons en tête, et vraiment Julien kiff ça.
Ou alors il peut se réveiller un matin tout fatigué, et mettre un gros “I want to rock” qui va bien “lui réveiller la gueule“.
En tout cas pour lui, la base de ce qui se fait le mieux en musique vient d’Angleterre.
Pour revenir à la BM, Julien me confie que pour lui, la hype de la Bass est un peu retombée, qu’il a l’impression que c’est un peu passé. Il pense que c’est bien de mélanger un peu les styles et de ne pas faire des soirées full drum ou full dubstep. Julien suppose aussi en toute modestie que malgré son sentiment de pas assez de renouveau et répétition, il n’est peut-être tout simplement pas assez informé sur le sujet.
Néanmoins, il adore cette communauté, et particulièrement son style, notamment vestimentaire “mi ghetto mi exhibitionniste, j’adore, c’est assez jeune“.
Et selon lui il n’y a rien à améliorer, pour la simple et bonne raison que c’est ce qui fait une communauté : “ Si t’aime ça et que t’aime être dans cette communauté c’est que t’es comme ça, et pourquoi je te dirai de changer ? Chacun est comme il/elle est . Je peux améliorer ma fille que j’éduque, je peux m’améliorer moi, mais les gens qui viennent ici, nos clients, ils sont comme ils sont et c’est tout ! Moi c’est ce que je recherche : avoir des communautés différentes parce que ça apporte des ambiances différentes et c’est trop bien ! T’améliores pas une communauté, tu la laisse vivre comme un bébé.“
Quand je lui demande ce que lui fait ressentir la Bass Music il me répond en riant : “Je vais te dire deux mots : “cassé”, et “deux”. Juste, cassé en deux. Comme ça là gros headbang. C’est à ça que ça me fait penser.“
Sur la fin de notre discussion, Julien termine en m’expliquant que ce soir (le 25 mars), on perd une heure à cause du passage à l’heure d’été, et qu’au lieu d’avoir une soirée de sept heures, on a une soirée de six heures. Du coup il a choisi de jouer les prolongations malgré tout, et de rajouter une heure au programme habituel pour terminer la soirée à sept heure du mat’ ! Pour le plus grand plaisir de nos bassheads alsacien.nes en manque de bass’ton.